Je rêvais d'être ma propre cause et ma propre fin; je pensais à présent que la littérature me permettrait de réaliser ce vœu. Elle m'assurerait une immortalité qui compenserait l'éternité perdue; il n'y avait plus de Dieu pour m'aimer, mais je brûlerais dans des millions de cœurs. En écrivant une œuvre nourrrie de mon histoire, je me créerais moi-même à neuf et je justifierais mon existence. En même temps, je servirais l'humanité: quel plus beau cadeau lui faire que des livres? Je m'intéressais à la fois à moi et aux autres; j'acceptais mon «incarnation» mais je ne voulais pas renoncer à l'universel: ce projet conciliait tout; il flattait toutes les aspirations qui s'étaient développées en moi au cours de ces quinze années.